Châpitre des Elus
Chapitre des Elus : cette appellation peut paraître prétentieuse, emplie de morgue, outrancière. Cependant il n’en est rien.
Que peut bien être cet élu ? Qui peut-il être ? Peut-on le connaître ? Où est-il ? Le savoir suffit-il à le faire être ? N’y a t-il pas des règles à respecter, un processus à suivre ? Sommes-nous directement concernés ?
Livre de la Sagesse – Chapitre 3 :
« 09 Ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur comprendront la vérité ; ceux qui sont fidèles resteront avec lui dans son amour, car il accorde à ses élus grâce et miséricorde. »
Mais alors comme le dit l’article 1er des Règles des Frères Elus (manuscrit en langue latine attribué à Matthieu de Tremblay qui l’aurait copié le jour de la Saint Félix de l’an 1205)
« Les temps préparés par les saints sont révolus. Il faut faire pénitence, le royaume de Dieu étant proche pour ceux qui ont été baptisés dans le feu et le Saint - Esprit. »
Certes, il est possible d’interpréter directement par une explication allégorique les écrits du Livre et de délivrer immédiatement la teneur du message. Cependant il manque une étape. Ils représentent la surface des choses, la surface du monde, une forme de réalité indépendante de la réalité, nécessaire au déclenchement intérieur du processus. Ils sont les faits déclencheurs qui ne peuvent être contenus dans les mécanismes mêmes. Nous devons être réactifs à ce qui se développe en nous – mêmes pour nous en libérer et atteindre l’Etat.
Autre étonnement, on parle également de vengeance.
Personnellement je privilégie plus le pardon juste que la vengeance. En effet comme sous le même soleil, le bon meurt de sa bonté et le méchant de sa méchanceté (l’Ecclésiaste), est-il concevable de tuer ? De présumer coupable je deviens acteur d’une vengeance qu’un pouvoir légitime et ma vengeance teintée de haine transforme en acte de justice. Je ne prendrai pas en compte l’acte criminel perpétré par les trois compagnons, mais seulement la réponse à sa commission. Cette vengeance est – elle vraiment nécessaire puisque tout « est vanité et poursuite du vent » ?
Est- ce que pas un d’entre nous ne s’est révolté contre cette idée même de vengeance. Il est vrai que pour la première fois, le geste est symboliquement, mais réellement agressif et s’exerce sans conteste contre nous. Voulons –nous devenir Caïn ? Désirons – nous venger la mort de jacques de Molay ?
« 01 toi dont le souffle impérissable anime tous les êtres.
02 Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent, pour qu'ils se détournent du mal, et qu'ils puissent croire en toi, Seigneur.
13 Il n'y a pas de Dieu en dehors de toi, Seigneur, toi qui prends soin de toute chose, et montres ainsi que tes jugements ne sont pas injustes.
16 Ta force est à l'origine de ta justice, et ta domination sur toute chose te rend patient envers toute chose.
17 Il montre sa force, l'homme dont la puissance est discutée, et ceux qui la bravent sciemment, il les réprime.
18 Tandis que toi, Seigneur, qui disposes de la force, tu juges avec indulgence, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement, car tu n'as qu'à vouloir pour exercer ta puissance.
19 Par ton exemple tu as enseigné à ton peuple que le juste doit être humain, et tu as pénétré tes fils d'une belle espérance : à ceux qui ont péché tu accordes la conversion. »
À quoi peut correspond ce rite de passage ?
Je dirai à trois grandes catégories, à savoir :
A des pratiques tribales, dont le but est d’intégrer l’individu « innocent » (au sens étymologique du terme « in nocere », celui qui ne sait pas) dans la société
A des pratiques religieuses, qui ont pour objectif d’intégrer l’individu « innocent » dans des sociétés secrètes ou fermées, de passer du profane au sacré.
A des pratiques magiques, qui visent à séparer l’individu de la société pour qu’il exerce des pouvoirs surnaturels, être en contact avec l’invisible.
La vengeance d’Hiram procède d ‘ une allégorie, fondatrice de la réflexion, qui va compléter et éclairer, non seulement la mort, mais la nécessité de la mort de « celui qui sait », faute de quoi, nous serions dans un dogme. Seul le mystère compte.
La vie est tellement sacrée dans cette dimension que tout le monde s’entretue allégrement au nom d’un ego déchaîné non maîtrisé. Nous tuons les bébés, nous en faisons mêmes des médicaments, nous tuons les vieillards. Quand allons nous tuer les infirmes et les malades mentaux puisqu’ils sont totalement inutiles ? Les médecins SS d’Auschwitz ne faisaient pas mieux. Peut - être qu ‘ à ce stade les temps auront été consommés ? Nous sommes dans la modernité, nous avons tué Dieu disent certains. Je préfère rester dans la Tradition, dans l’amour de Dieu. Voilà où réside la différence entre le bien et le mal. Voilà où réside la liberté, le libre arbitre.
Dans mon petit cerveau, une idée tournait en boucle. Elle me disait en quoi es - tu plus innocent que ces criminels ? Certes de ce crime, mais de ma violence, de leur violence, de celle du monde, j’en suis coupable, complice comme tout un chacun. Je ne m’en aperçois pas puisque j’en suis imprégné. Lorsqu’elle atteint un paroxysme inacceptable, un prince soit- disant légitime en applique une autre avec mon consentement, ma participation, ma lâcheté, mon indifférence, une certaine forme de reconnaissance pour que cela cesse. Ne pourrait-on pas écrire nous sommes tous coupable d’innocence et tous innocent de culpabilité ? Que la vengeance devienne justice quand elle est légitimée ?
Je ne défends pas les criminels, loin de moi cette pensée. Cependant on ne peut que constater l’abîme qui sépare notre monde violent, haineux, de celui du « Père », de la Lumière, de l’Amour constructeur, de la Vie. La violence vient de notre monde. Elle est notre monde. Nous sommes le monde pour une partie.
Aller au « Père », c’est être victorieux sur elle, c’est avoir franchi l’abîme. C’est faire silence en nous même. C’est attendre que Celui qui Est, unique et révélé nous reconnaisse dans sa miséricorde et dans l’amour que nous Lui portons. Un homme laissé à lui - même est semblable à un chien qui n’a plus de maître. Il a perdu confiance. La peur et le désespoir l’envahissent. Il est incapable d’amour.
Mais à qui s’adresse réellement cette haine ? Aux élus ? Peut-être que :
« Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous. Si vous étiez de ce monde, le monde aimerait ce qui est de lui ; mais par ce que vous n’êtes pas du monde et que je vous ai choisi du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait. » Evangile Jean chap.15 La haine du Monde
Alors ne répondons pas à cette haine par une vengeance contre nature aussi dérisoire et médiocre qu’incompréhensible et tellement futile. « Tout est vanité et poursuite du vent » quand loin de Celui qui Est nous avons l’arrogance de croire, moqueur et contempteur, être maître de notre destin. Comme le dit Jésus, dans ce cas : « Nous sommes de la paille à brûler. »
La vengeance s’adresse à l’homme -créature, la justice à l’homme intérieur.
Pour Socrate, la vertu suprême est la justice, mais il précise qu’il faut des règles moralement justes, appliquées de manière équitable, prenant compte la vérité des faits, s’appliquant à tous de la même manière, car sans discernement du vrai et du faux et sans sanction de la faute, la vie sociale n’est pas possible dans la cité.
Mais lorsque l’on demandait à Socrate ce qu’est la Justice, il répondait qu’elle est indéfinissable et qu’elle se vit par des actes.
Pour Jésus, la vertu suprême n’est pas la Justice, mais l’amour. Il considère que tous les êtres humains sont égaux devant Dieu, peu importe leur statut social. Ils seront jugés uniquement selon l’intention de leurs actes et leur amour du prochain. Pour Jésus, la justice ne peut être que divine, car seul Dieu « peut sonder les reins et les cœurs ».
Pour Bouddha, la vertu suprême n’est également pas la Justice, mais la compassion. Et si l’on veut parler de Justice, la véritable Justice, c’est la justice immanente du karma, par laquelle tout individu subira les conséquences, dans cette vie ou dans une autre, de ses bonnes ou mauvaises actions.
Ce qui est intéressant de relever chez Socrate, Jésus et Bouddha c’est que tous trois déclarent que la justice implique nécessairement l’égalité de tous les individus devant la loi, de la même façon que tous les êtres humains sont égaux face à la mort.
Gloire soit rendue à son Nom